Zero
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Zero
Une nouvelle fois, cette histoire a été écrite suite à la demande de quelques mots sur Facebook qui me seraient ensuite obligatoire. A vous de voir si vous voulez savoir desquels il s'agissait avant ou après votre lecture.
- Spoiler:
- Hayabusa - Symbiose - Viol
Sa tête tourne. Il a souvent dit en riant qu’il a plus d’alcool que d’eau dans le sang, il sait pertinemment qu’il tient mieux le saké que quiconque, alors comment croire que c’est ce minuscule verre qui lui fait cet effet ? Mais Shingo injure encore et encore la boisson, pour que ses propres mots le convainquent, pour éviter d’avoir à envisager n’importe quel autre fautif. De sa radio émerge un ordre parasité, brouillé, sale : pivoter à droite. La qualité lui semble encore plus médiocre que d’habitude, c’est absurde, mais il se dit que ça doit venir du faible niveau d’essence ; il n’aurait pas dû y penser, son estomac se noue. Pour détourner son attention, il se dit que son bandeau le gratte. Le bruit du moteur est assourdissant, mais ça le berce, c’est peut-être le seul truc rassurant. Il pense aux Mitsubishi 4GM qui sont derrière lui, il en avait déjà entendu pendant les entraînements, il avait trouvé le bruit affreux. Tout est affreux dans ces engins, il s’est toujours arrangé pour ne pas avoir à piloter de gros bombardiers, c’est trop désagréable à manier. De toute manière, dans les avions de la Marine, c’est toujours le Zero qu’il a préféré. Comment certains imbéciles peuvent-ils prétendre que des appareils comme le sien ou le Ki-43 Hayabusa sont dépassés ? Il n’y a pas plus maniable que ces engins, c’est un tel plaisir à piloter, il est convaincu d’être aux commandes de ce qui restera pour toujours le top du top de l’aviation. Son bandeau le gratte à nouveau. Saloperie, il a réussi à penser à autre chose deux minutes, deux petites minutes, et il faut que cette saloperie de bandeau vienne le rappeler à l’ordre. Impossible de l’enlever, surtout avec son casque. Une nouvelle indication vient d’être donnée à la radio, la distance restante. Combien de milles ? Il n’a pas entendu, le son de la radio était trop mauvais, le moteur est trop fort, il n’arrive pas à se concentrer ; si, si, bien sûr qu’il arrive à se concentrer, c’est la faute à cette radio, c’est tout. Il aimerait s’empêcher de penser, se laisser gagner par le frisson de la vitesse, entrer en symbiose avec son appareil comme ça lui arrivait auparavant. Mais il a l’impression de voir le mot « mort » s’inscrire en katakana sur les nuages, il tente de faire le vide dans sa tête et son suicide l’emplit comme une rivière en crue. Alors il pense. Il aimerait que la voix du lieutenant lui hurle d’arrêter, mais personne ne l’entend penser. A quoi bon aller à Okinawa ? Il croit sincèrement, il est persuadé que le Japon peut encore gagner, mais cette attaque le dépasse: la Marine n’a rien à faire à Okinawa. Foutu bandeau. Certains racontent même que ce serait l’Empereur qui aurait ordonné ce déplacement. Il repense aux mots du lieutenant Seki : « Je ne fais pas ça pour l’Empereur ou l’Empire. Je le fais parce qu’on m’en a donné l’ordre ». Lui, il n’aurait jamais osé une phrase pareille, que Seki ait vraiment dit ça ou non. Mais, honteusement, une partie de lui acquiesce, abdique quitte à salir son patriotisme. Il les a vu tous ces gars, tremblants comme des feuilles pendant qu’ils écrivaient une lettre d’adieu à leur famille, certains semblaient même sur le point de chialer. Lui était resté droit, fier. Alors pourquoi faut-il que ses jambes se mettent à trembler, frénétiquement, car il vient seulement de s’en apercevoir, ses jambes frissonnent déjà depuis un bon bout de temps, faisant sauter légèrement les grenades qui sont attachées à sa ceinture. Cette fois, il a compris parfaitement le message de la radio : dans quelques minutes, c’est fini. Il desserre son casque, le retire et arrache le bandeau. Qui verra, maintenant, que ce soleil rouge n’est plus sur son front ? S’il reste quoique ce soit de son cadavre, les américains pisseront dessus, sans aucun doute. Il aperçoit les navires de l’U.S. Navy comme on aperçoit les Enfers à travers la brume du Styx. Les frissons de ses jambes grimpent tout le long de son corps. Il veut rester calme, mais les lumières du cockpit se sont mises à danser autour de lui, le manche du Zero s’évade de sa main comme du beurre fondu. Il sombre avec l’avion. Des points noirs courent dans tout les sens sur le Maryland, il y a autant de tirs que d’effroi, Shingo ne pense même pas à essayer de les éviter. Il aimerait penser à nouveau, à n’importe quoi, avoir une dernière image glorieuse qui lui traverse l’esprit, mais la nausée lui paralyse les sens. Il va foncer sur le pont d’envol, sur le gouvernail, sur la salle des machines, sur un homme. L’américain est encore à cinquante mètres, mais Shingo entend un cri qui lui perce les tympans, un cri de désespoir, d’agonie, un cri de femme qu’on viole, d’enfant qu’on immole. Il tourne sans comprendre pourquoi, parce que ses mains lui ordonnent, parce qu’il s’est vomi dessus, parce que la maniabilité du Zero est sensass. L’avion percute le rebord du cuirassé, fait un tour sur lui-même, rentre dans la mer et explose. Seules quelques fondations mineures ont été touchées, aucun américain n’a été tué. Zero.
Dernière édition par Fou le 26/3/2013, 09:44, édité 1 fois
Re: Zero
Wa, cette fois j'en ai trouvé aucun ! Très bien intégré au texte malgré la difficulté.
Aryko- Modérateur des Artistes
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